Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/143

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de conscience, d’instruction religieuse, si terrifiants qu’ils lui avaient gâté la poésie mystique de ce sacrement, et la douceur de la vie passée au milieu des camarades, en pleine détente, et rendus plus sociables, affectueux, par le recueillement et la piété. Cet acte, qu’il allait accomplir, on le lui représentait comme un épouvantail. Et les exemples dramatiques, les bonheurs exaltés, les châtiments horribles venaient à l’appui des explications du catéchisme. On lui avait cité l’histoire d’un enfant impie que des chiens avaient dévoré vivant ; un autre s’était fracassé le crâne en tombant du haut d’une falaise, notoirement précipité dans la mer par la vengeance divine. Et combien qui brûlaient en enfer ! En revanche, un autre s’était senti si enivré de bonheur et de sainteté qu’à la sortie de l’église, étant allé retrouver ses parents au parloir, il leur avait présenté son couteau, les avait supplié de le tuer, disant : « Tuez-moi ! Tuez-moi !… je vous en conjure… car je suis sûr d’aller au ciel tout droit ! » Cela troublait fort Sébastien. Il vivait en des transes continuelles, obsédé par tous les démons de l’enfer, qui font griller des âmes d’enfant, au bout de leurs fourches, dans les flammes qui ne s’éteignent jamais. Chaque jour, à la suite d’examens de conscience éperdus, c’étaient des confessions générales, où il fallait s’aider de manuels spéciaux, contenant, par ordre alphabétique, la liste lugubre, effrayante, des péchés, des vices, des crimes, une si extraordinaire accumulation d’infamies, de hontes inexpiables, que les enfants, affolés, se croyaient devenus subitement des sacrilèges, des lépreux, des bêtes immondes, couvertes