pendant, que ses yeux, s’habituant à l’obscurité, n’y distinguassent des objets vagues, des profils perdus de meubles, des formes inachevées et, dans le fond, contre quelque chose qui ressemblait à un mur, quelque chose d’horizontal, de rigide et de long, qui ressemblait à un sépulcre. Pourquoi était-il là ? Quelle force diabolique l’avait poussé à venir là, à suivre le Père, sans savoir, sans rien demander, sans rien pressentir ? Pourquoi, si ses intentions étaient avouables, le Père avait-il montré cette inquiétude d’une rencontre ? Pourquoi ce cheminement prudent, effacé, de maraudeur qui craint d’être surpris et de criminel qui va au crime ?… Qu’allait-il donc s’accomplir d’effrayant ? Des histoires tragiques de meurtre, d’égorgement, assaillirent son esprit. Il s’affola. Il crut entrevoir de terrifiantes faces d’assassins, des mains étrangleuses, des couteaux levés. Au plafond, dans le carré du jour, l’ombre du Père oscilla comme un pendu. Et le vent s’était tu. Il ne percevait plus qu’un bruit sourd, lointain, sanglotant, un bruit inexprimable de plaintes étouffées… Le Père ne parlait pas. Il allait et venait, à peine visible. Mais sa présence emplissait cette nuit d’une surnaturelle terreur… Sa présence se révélait à des heurts, à des chocs, à des glissements qui laissaient après eux, d’étranges résonances… Sébastien entendit des grincements de serrures, des vibrations de cristal, une multitude de sons dont la cause, en ce lieu, l’épouvantait… Que préparait-il ? Quel supplice ? Quelle torture ?… Quelle mort ? Il pensa aux promenades de Pen-Boc’h, à la mer, à Bolorec ; se cramponna désespérément à des idées riantes, des visions calmes ; s’accrocha à tout ce qui
Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/184
Apparence