Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/207

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victimes, auquel se mêla de l’étonnement, de la jalousie, et aussi de l’admiration détestée pour ce prêtre attirant et damné… Jalousie de quoi ? admiration de quoi ?… Il n’en savait rien. Sébastien chercha, au fond de sa mémoire, à retrouver des circonstances précises, particulières, indubitables, qui pussent changer, en certitudes absolues, ses soupçons encore hésitants. Une multitude de détails oubliés, une quantité de petits faits incompris lui revinrent, auxquels, jusque-là, ignorant de ces choses, il n’avait prêté aucune attention.

Oui, c’était pour cela !… Il s’expliqua des dessous de conduite, des bienveillances qui n’avaient pas duré, des préférences et des protections qui changeaient. Il se souvint qu’une nuit, ayant été souffrant et forcé de se lever, il avait vu, en rentrant au dortoir, une ombre sortir de la cellule de Jean, proche de la sienne. Mais cette ombre, inquiète sans doute d’apercevoir quelqu’un marchant dans le couloir, s’était aussitôt reglissée dans la cellule. Était-ce bien la cellule de Jean ?… Oui, car en approchant, il avait remarqué que les rideaux qui la fermaient était encore agités d’un léger flottement. Cette ombre était-elle bien celle du Père de Kern ? Oui. Quoique cela datât de plusieurs mois et malgré la furtivité de cette apparition, il la reconnaissait maintenant à sa découpure sur le fond éclairé du dortoir. Il aurait dû attendre, épier l’ombre derrière ses rideaux, coller son oreille contre la cloison. Ne croyant pas au mal, il n’avait songé à rien de tout cela, et il s’était dit qu’il avait été trompé par une erreur de ses sens, que cette ombre n’était qu’une ombre, non pas