Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/251

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— Je vous le promets !

— Jurez-le-moi, mon enfant, mon cher enfant ?

Sébastien eut aux lèvres un pli amer. Cependant, il répondit encore, résigné :

— Je vous le jure !

Alors, le Père exulta :

— C’est bien, cela !… C’est très bien… Hé ! Je savais que vous étiez un brave enfant !

La face redevenue toute joviale, il interrogea :

— Voyons ! Avez-vous quelque chose à me demander ?

— Non, mon Père, rien…

— Que je vous embrasse, au moins, mon enfant !…

— Si vous voulez !

Sébastien sentit sur son front le baiser visqueux de ces lèvres, encore barbouillées de mensonges… Il s’arracha, révolté, à cette étreinte qui lui était aussi odieuse que celle du Père de Kern, et il dit :

— Maintenant, mon Père, laissez-moi, je vous en prie… je désire être seul.

Lorsque la porte se fut refermée derrière le Père, Sébastien respira plus librement, et il s’écria tout haut, dans une révolte suprême de dégoût :

— Oh ! oui ! que je parte !… Oh ! quand vais-je partir d’ici !

Le soir, il fut conduit de nouveau chez le Père Recteur. En entrant dans le cabinet, il aperçut son père, debout, très pâle, gesticulant. Il était vêtu de sa redingote de cérémonie, tenait à la main son fameux et antique chapeau. Sébastien remarqua qu’à la hauteur des genoux son pantalon noir était maculé de poussière : il avait dû se traîner aux pieds de l’impassible Recteur, l’implo-