Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/253

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— Vous me déchirez le cœur, monsieur… Je vous en prie, n’insistez pas…

— Eh bien, je vais vous faire une proposition… Je ne vous demande pas de garder Sébastien tout à fait. Qui voudrait d’un pareil misérable ? Mais gardez-le jusqu’aux vacances… Gardez-le dans un cachot, au pain et à l’eau, si vous voulez, ça m’est égal… Au moins comme ça, dans mon pays, ça n’aura pas l’air, vous comprenez !… Ma situation n’en souffrira pas… Je ne serai pas obligé de rougir devant tout le monde, ce que j’appelle !… Voyons, Très Révérend Père, je suis disposé aux plus grands sacrifices, quoique ce misérable m’en coûte déjà des mille et des mille… Voyons, je vous paierai sa pension double.

Et, sur un geste de protestation du Jésuite, il ajouta vivement :

— Je vous paierai ce que vous me demanderez, nâ !

Déjà il tirait de sa poche sa bourse de cuir, et s’agenouillant, il la tendait au Jésuite dans un geste de supplication frénétique.

— Ce que vous voudrez !… Hein, ce que vous voudrez !

Le Père releva M. Roch, et, visiblement choqué de cette scène, il dit d’un ton bref :

— Du calme, monsieur, je vous en prie… Abrégeons cette entrevue qui nous fait mal à tous les trois.

Alors, M. Roch tourna toute sa colère contre son fils ; et le menaçant de son poing tendu :

— Misérable !… bandit !… hurla-t-il… Que vais-je faire de toi ? Se saigner aux quatre membres et être récompensé de la sorte ! Ah ! misérable !…