Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/258

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collège : des murs étouffants, des classes maudites ; il revit des élèves haineux, des maîtres infâmes, le cortège tout entier de ses déceptions, de ses souffrances, de ses hontes. Et bien décidé à ne pas recommencer le supplice de cette existence, au seuil de laquelle, en entrant, il avait vu la mort, au seuil de laquelle, en sortant, il avait trouvé le déshonneur et l’ignominie, il se leva de table, courageux, regarda bien en face son père dont le visage blémissait, dont la voix s’enrauquait de colère, et il dit d’un ton calme, ferme, définitif :

— Je n’irai pas !

À ces mots, M. Roch faillit s’étrangler. Ses yeux virèrent, injectés de sang, dans les paupières écarquillées par la fureur.

— Qu’est-ce que tu as dit ? Qu’est-ce que tu as osé dire ?

Ses paroles sifflaient, sortaient avec peine de la gorge contractée. Sébastien répondit :

— Je n’irai pas !

— Quand je devrais t’y traîner par les cheveux, misérable, tu iras !

— Non ! je n’irai pas !

M. Roch perdit le peu de raison qui lui restait. La hideuse brute du meurtre était en lui déchaînée, et hurlait. Hagard, les traits bouleversés, l’écume aux dents, il saisit sur la table un couteau, se rua sur son fils, et, la main levée, sa grosse main dans laquelle brillait l’éclair tournoyant de la lame d’acier, il rugit :

— Tu iras… ou bien…

Alors, Sébastien s’agenouilla aux pieds de son père. La tête haute, le regard résolu, il présenta