Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/271

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devenus blancs. Pourtant, une matinée, je m’enhardis, et il ne m’arriva rien de fâcheux. Tout le monde m’accueillit avec des sourires. Mme Lecautel me reçut affectueusement et, Marguerite, en me voyant, s’écria :

— Ah ! il n’a pas de barbe !… moi qui aurais tant voulu qu’il eût de la barbe !

Puis elle pleura et, ensuite, se mit à rire. Je trouvai qu’elle était jolie, fantasque et nerveuse comme autrefois. Malgré cela, la robe longue, dont elle était vêtue, une robe lilas, je me rappelle, d’étoffe légère, me causa un tel respect pour sa personne, qu’à partir de ce moment, je ne la tutoyai plus.

Je m’ennuyai énormément.

Peut-être vais-je dire une grosse sottise ? J’attribue à la couleur du papier de ma chambre, mes tristesses, mes dégoûts, mes déséquilibrements d’aujourd’hui. C’est un papier horrible, d’un brun sale, d’un brun de sauce brûlée, avec des fleurs qui ne sont pas des fleurs, qui sont quelque chose d’inclassable dans l’ordre des ornementations tapissières, quelque chose d’un jaune terreux, n’évoquant que des idées abjectes et d’ignobles comparaisons. Ce papier m’a toujours obsédé. Je n’ai jamais pu le voir – et je le vois à toutes heures puisque c’est entre les murs tendus de ce papier que je vis – sans en ressentir des impressions d’accablante, d’exaspérante, d’annihilante tristesse. Certes le collège m’a beaucoup ébranlé, il a été funeste pour moi. Mais si, au sortir du collège, j’avais été transplanté dans un autre milieu que celui-là, ou seulement relégué dans une autre chambre que celle-là, je ne puis m’empêcher de