Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/278

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Et je copiais, sur le petit cahier qu’elle m’apportait, des vers de Mme Tastu et d’Hégésippe Moreau.

Lorsqu’elle reprenait mon travail, elle gémissait :

— Pauvre jeune homme !… une si belle âme !… et mort si jeune !… Merci, monsieur Sébastien !

Un jour que son mari était allé à Paris, pour ses importantes affaires, Mme Champier me fit appeler. Elle était vêtue d’un peignoir bleu, très lâche et flottant ; une odeur d’eau de toilette s’évaporait dans la chambre. Comme la quincaillière, elle m’attira près d’elle, tout près d’elle et me demanda :

— Est-ce vrai, Sébastien, qu’on vous a surpris, au collège, avec un de vos camarades ?

Comme je n’avais pas eu le temps de revenir de l’étonnement où me plongeait cette question éternelle :

— C’est très mal… soupira-t-elle… très mal… Oh ! le petit vilain !

Et je dus quitter le notariat de la même façon que j’avais quitté le commerce.

Mme Lecautel, irritée de ma conduite, ne voulut plus s’occuper de moi. Et la vie recommença, lourde, engourdie, sommeillante, atroce, sous l’accablement du papier brun à fleurs jaunes.


3 janvier.

Et, depuis ce matin, déjà lointain, que s’est-il passé dans ma vie ? Que suis-je devenu ? Où en suis-je arrivé ! En apparence, je suis resté le même, triste, doux et tendre. Je vais, je viens, je sors, je rentre comme autrefois. Pourtant, il s’est accom-