Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/331

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idéal et de dégoût physique, jusqu’à cette journée de juillet, où tous les deux, ils se trouvèrent face à face, dans le champ de blé, près de la source de Saint-Jacques. Ce jour-là, cette minute-là, au ton impérieux dont avait parlé Marguerite, à la façon brève et sans discussion possible, dont elle avait dit : « Je veux !… Je veux !… Je veux ! », il comprit que, désormais, elle ne se contenterait plus du leurre des promesses sans cesse reculées, ni de l’aumône menteuse de ces caresses dilatoires. Il fallait prendre un définitif parti : ou rompre brutalement une situation inacceptable et lourde de rancœurs ; ou recommencer l’existence nocturne et les tristesses du rendez-vous, là-bas, sur le mélancolique banc de l’allée des Rouvraies. Par un reste de pitié qui subsistait au fond des sensations, même les plus pénibles, issues de Marguerite, et aussi par une crainte de ce qui pouvait en résulter de fâcheux et de compliqué, il n’avait pas osé assumer la responsabilité d’une rupture. De nouveau, il s’était résigné aux exigences de cette petite créature insatiable et folle. Il était donc rentré chez lui, après la promenade, mécontent, s’accusant de lâcheté, en proie à un immense et tenaillant ennui. Comme il faisait chaque fois qu’il était assailli par des préoccupations insolites ou désagréables, il s’étendit sur son lit, les jambes écartées, les mains croisées sous la nuque. Mais il ne put demeurer longtemps en cette position, qui le calmait d’ordinaire. Un besoin de mouvement l’obligea bien vite à se remettre debout. Pareil à un fauve dans sa cage, il marcha, marcha, tourna, tourna, en son étroite chambre, bousculant les