Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/92

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— Moi, je serai soldat… J’entrerai à Saint-Cyr… Et toi, qu’est-ce que tu feras ?… Tu entreras aussi à Saint-Cyr ?…

— Je ne sais pas ! bégaya Sébastien.

Le comte de Chambord ! l’Usurpateur ! Saint-Cyr ! Toujours des choses dont il n’avait pas la moindre idée. Comment pourrait-il jamais s’élever à la hauteur des autres, puisqu’il ignorait tout cela, qui était capital, indispensable ! Il aurait bien voulu demander des explications à Jean ; il n’osa pas. Jean continuait de gazouiller :

— Papa dit qu’il n’y a pas de milieu, aujourd’hui, pour des nobles, ou bien ne rien faire… ou bien entrer à Saint-Cyr… Papa ne fait rien, lui… Il chasse… As-tu un tambour ?

— Non !

— Moi, j’en ai un… un vrai tambour, en cuivre… C’est papa qui me l’a donné… et c’est le fermier qui m’apprend à battre… Il a été tambour au régiment. Il bat très bien… Moi aussi, maintenant, je bats très bien… Et puis papa m’a donné encore un uniforme de hussard rouge… Quand je sors, toute la journée, je mets l’uniforme de hussard et je bats du tambour… C’est très joli, très amusant… Et ça m’apprend à être officier. Tu n’en as pas, toi, d’uniforme de hussard ?

— Non !

— Alors, qu’est-ce que tu as ? Comment t’amuses-tu quand tu es chez toi ? Il faudra en demander un à ton père…

Sébastien se sentait le cœur plein de quelque chose, il ne savait de quoi ; ou de chagrin de ne pas posséder un uniforme de hussard rouge, comme Jean de Kerral, ou de joie d’entendre pour