Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/108

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j’aille et que je vienne… Quand maman a besoin de quelque chose, le père est comme un enfant, il ne sait rien trouver… Pauvre père !

Jean, marchant dans la pièce.

Pauvre Clémence !… (Un silence.) Tant qu’elle a pu se tenir debout, elle allait… elle allait… Et le jour qu’elle s’est arrêtée, c’est qu’elle était déjà morte… (Il s’assied dans un coin.) Quel âge a-t-elle ?

Madeleine

Quarante-quatre ans…

Jean, avec un geste de découragement.

Quarante-quatre ans ! (Un silence.) Avec sa pauvre vieille face toute ridée et toute grise, elle en paraissait soixante-dix… Quarante-quatre ans !… (Un silence.) Ici, il y en a beaucoup qui n’arrivent même pas jusqu’à cet âge… On ne respire ici que de la mort… (On entend les sifflets et les bruits sourds de l’usine.) C’était pourtant une femme robuste et vaillante… Elle avait bien de la vie…

Madeleine

Elle avait bien du mal…

Jean

C’est la même chose…

Madeleine

Elle en a tant vu de toutes les manières… Pierre tué par les machines, un enfant si fort, si courageux… Joseph mort de la poitrine à dix-neuf ans… Ça avait été le dernier coup, pour elle…