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de l’amour, car bientôt, connaissant le cœur de cette femme, il en préférera malgré lui les mensonges et les perversités.


Six heures.

Il est sans espoir.

Retourner chez lui sans avoir vu Germaine, lui semble au-dessus de ses forces. Il restera là toujours. Il mourra de sommeil et de peine. Sa persistance la fera venir… en songe.

Jérôme est devant lui, tout droit et sorti de terre probablement :

— « Monsieur, dit-il, Germaine est dans le hall depuis dix minutes. Elle boit un cocktail, vous regarde et vous attend. Mais vous pensez si peu à elle qu’elle m’a envoyé vous chercher. « Dis-lui, dit-elle, qu’il est un bien mauvais sujet pour la transmission de pensée. »

Daniel se lève, chancelle. Il est comme le joueur décavé qui hérite à la minute même où il armait son revolver, comme le condamné sur la bascule auquel le bourreau remet sa liberté. La fièvre bourdonne. Il se met bêtement à rire, serre la main de Jérôme, le regarde. Décidément, eux aussi sont des pantins. La dignité c’est une invention de jeune homme.

— « Allons. »

Germaine en effet est là, affalée devant un cocktail brillant comme de l’or. Daniel baise sa main. Elle est belle de la beauté du diable, fardée outrageusement, mais avec un air alangui, une main brûlante. Daniel reconnaîtra plus tard ces symptômes qui ne sont que les trop récentes traces d’une orgie sensuelle.

— « Je viens de me lever, dit-elle, car cette nuit j’ai voulu mourir. Ah ! quelle nuit, mon petit Daniel, vous nous avez fait passer. »

— « En effet, dit Jérôme, elle a voulu se tuer pour nous. Après votre départ, grande scène :