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ignore que la promesse de Germaine, d’être tout à l’heure seule avec lui, y est pour beaucoup.

Jérôme les quitte enfin, et ils remontent comme le premier soir, les Champs-Élysées pleins d’or.

Mais ils ne parlent plus, et surtout ils ne disent plus les mêmes choses. Cette solitude, cette liberté brusque où ils sont les incommode presque. Les rires de tout à l’heure gênent leurs paroles nues de maintenant, et puis, tout a singulièrement progressé.

L’amour de Daniel a pris une importance au moins digne du vaudeville, a dit Jérôme, au moins digne du drame, pense-t-il. Germaine en tout cas, s’en est rendu compte, puisqu’il trouble sa vie quotidienne.

Daniel ne sait pas alors que Germaine mène toujours cette vie-là, que si ce n’était lui, ce serait un autre et que l’attitude si choquante, selon lui, de Jérôme n’est que celle d’un homme blasé par les passions, les désirs plutôt, successifs de sa femme. Désirs qu’il n’entrave jamais, afin d’éviter les drames et surtout parce qu’il finit toujours par en bénéficier sensuellement ; car Germaine, pour se faire pardonner, se donne à lui, dans ces périodes-là, mieux que jamais, mêlant sans doute et tournant vers lui tous ses désirs, dans une orgie d’amour, une violence de passion qui adoucit beaucoup, pour Jérôme préféré, les petites trahisons du jour.

Daniel saura tout plus tard. Ses déceptions sont préparées comme un chemin de croix.

Maintenant il est heureux près de Germaine. Il la respire en marchant. Ce parfum est terrible, car il le retrouve après dans ses mains et sur les revers de ses vestons. Il en est intoxiqué, confondu ; toute cette femme, avant de l’avoir même effleurée d’aucun contact physique, il la porte en lui comme si il avait bu le philtre de Tristan.