Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/26

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désir, il semble naviguer vers elle à travers beaucoup d’autres songes, et ses lèvres sont enflées comme celles d’un enfant qui pleure.

— « Daniel, montre tes yeux. »

Il les ouvre lentement, lentement, une étoile au fond de chacun. C’est le visage même de l’amour qui la contemple et la juge.

Ils s’enlacent à nouveau, se caressent à travers leurs vêtement que, pudiques ou prudents, ils n’écartent pas encore. Mais il la serre, ah ! comme il la serre. Elle sent enfoncée dans son corps l’empreinte splendide de ce jeune corps qui tremble comme une feuille dans le vent.

Il l’embrasse sur tout son visage, sur son cou, sur ses épaules, sur ses seins, à travers la robe. Elle le laisse faire, le désirant jusqu’aux délices, jusqu’à la faiblesse, jusqu’à l’offre, dont il ne veut pas encore.

Soudain le timbre de la porte, des voix.

La crainte qu’on les surprenne, la paralyse. Elle gît, renversée dans son trouble et sans conscience. Daniel veut se dégager. Elle le retient, le serre davantage au contraire, espérant tout à coup être surprise dans cette posture et sans un geste de défense, par Jérôme, et en jouissant délicieusement.

— « Tu vois bien qu’il ne fallait pas bouger, dit-elle. Du reste, dans mes bras, que crains-tu ? je te couvrirai de mon corps. »

— « Germaine, je vous aime, mais vous ? »

— « Ah ! moi, qui sait ? cependant nous ne sommes pas amants, et sans doute ne le serons-nous jamais, car y a-t-il plus que de la curiosité entre nous, mon petit Daniel, de la curiosité et du désir, un désir partagé sans doute, mais… »

Souple, et sachant par ces mots, l’incendie qu’elle lève en lui, elle glisse du divan, s’évade, refait vite devant la glace le contour de ses lèvres, redevient, en une seconde, une femme lointaine,