Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

presque pudibonde, tandis que lui, laissé pour mort dans les fourrures, la tête enfouie, ne montrant qu’une nuque pâle, se sent pris pour toujours.

IV

La vie pour Daniel se partage maintenant en périodes distinctes : celles où il voit Germaine chaque jour, ce ne sont les meilleures que par comparaison, car alors que de petits martyres, déceptions avilissantes, paroles dures, situations fausses qu’il supporte en attendant quoi ? qu’un peu de son misérable amour lui soit rendu ; et celles où, fâchés ensemble, il ne la voit pas. Ces périodes-là durent de huit à quinze jours et sont horribles. Daniel y perd le monde à la façon des aveugles et des sourds, se remémorant bien plus belles les mélodies et les vues du passé et se déchirant l’âme avec leurs souvenirs. Il lutte dans un abîme, une tombe où sincèrement il voudrait être couché pour toujours, à l’abri de la méchanceté humaine et sans doute de l’amour.

Pour se distraire, il écrit des poèmes qu’il envoie ou lit à Germaine lors de ses retours.

— « De quoi vous plaignez-vous, dit-elle, puisque la solitude vous fait écrire. »

Il est vrai, la solitude le fait écrire. Il soutiendrait bien, tant il se sent dépérir, que c’est avec le sang vif de son cœur, celui-là même où doit croître la plante vénéneuse de ce malheureux amour. Bel encrier, ma foi, où pêcher la poésie.

Ils ne sont pas devenus amants. Germaine a même peu à peu repris la tendresse qu’elle lui donnait les premiers jours. Elle semble très amoureuse de son mari et chaque fois plus lasse