Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/28

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des visites de Daniel, qu’elle renvoie si durement souvent, que la rue où il se sauve ne doit plus reconnaître ce jeune homme lent qui pleure, adossé aux murs des jardins, d’où débordent des roses éblouissantes qu’il ne voit pas.

On dirait que l’amour, d’un seul coup, l’a dépouillé de sa jeunesse comme on arrache un masque, et que dessous il y avait cet homme faible et lâche qui s’en va sanglotant sans pudeur, erre des nuits entières autour de la maison de celle qu’il prit pour son amour. Sous la pluie, il regarde la douce lumière qui filtre, entre les rideaux et les volets de la chambre. Il sait, son imagination la lui montre, qu’elle se donne. La pluie lasse du printemps qui sent la terre colle, à son front brûlant, ses cheveux. Un sergent de ville le heurte pour voir de plus près et conduire au poste, peut-être, ce promeneur qui paraît suspect.

Daniel reprend sa route. De nouveau, il s’arrête. Quand il se croit bien seul, il pleure tout haut, comme les enfants, et il appelle celle qui, pas bien loin de lui sans doute, boit du champagne et rit dans ces restaurants tapageurs dont il évite les lumières, avec des hommes qui la désirent et l’obtiennent peut-être, parce qu’ils n’ont pas en eux cet amour qu’elle redoute, comme Satan la croix.

IV

Sait-on pourquoi les choses renaissent au moment même où l’on s’habituait à les savoir perdues. Daniel a pris la nouvelle mesure de son chagrin. Il commence à y vivre à l’aise. L’ironie,