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lui, lui parler, et voilà qu’il faut partir de nouveau sans espoir. Recommencer.

Par les rues embaumées des premiers soirs d’été, il rentre, croisant des couples qui ont tous l’air heureux. Des voitures découvertes avec un petit grelot qui tinte. Beaucoup de fleurs aux devantures. Paris est rose.

Où est Germaine ?

Il ne dîne généralement pas, il s’attarde exprès sur les bancs déserts. Il rêve.

Comme ils seraient bien ensemble à cette heure, sous les arbres d’un parc, les pelouses, l’arrosage et cet éclat des géraniums à la tombée du jour. Léger voyage à la campagne. Le roulement soyeux sur l’asphalte des longues automobiles pleines de femmes ; un sourire sous une vitre, qui le garde idéal. Des têtes qui se penchent, des épaules parées, les lampes, un orchestre sourd qui s’anime.

« Paris, ta grille d’or, comme dans les contes. Ah ! Germaine, t’avoir à moi quelques heures ; tu mettrais tes mains claires sur la nappe, comme ce premier soir où nous disions n’importe quoi, et je regardais tes bagues ; tu aurais ce grand chapeau noir sous lequel ton visage renversé à l’air d’une fleur et tu ferais semblant de m’aimer. »

Il rêve.

À la nuit seulement, il rentre. Il tâche ainsi de faire croire à sa mère qu’ils ont dîné ensemble, qu’il est heureux. Il tâche d’épargner son amie. Ah, si elle connaissait la mère de Daniel, peut-être aurait-elle brusquement les yeux décillés ! Elle saurait au moins ce qu’est la haine et le mépris d’une mère, pour la femme qui torture son enfant.

— « Mon Daniel, dit celle-ci quand elle l’entend rentrer après de longues heures d’attente et