Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/47

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cule. Il était bien las, bien triste, bien fiévreux.

Elle, au contraire, brillante, grisée par la séparation prochaine et la courbature d’amour qui stimulait ses nerfs.

Son visage revêtait d’étonnantes couleurs, et ses grands yeux meurtris, soutenus de rimmel, s’irisaient comme des libellules.

Thérèse avait terminé les malles, tandis que sa maîtresse dormait encore, aux bras de l’amant.

Puis le coiffeur vint, le téléphone qui n’arrêtait pas de sonner, les derniers cartons des modistes, des bottiers ; brouhaha, portes ouvertes, courant d’air, les vases renversés imbibent le tapis au milieu des pétales qui nagent.

Daniel errait, triste, soudain encombrant et inutile, comme celui qui reste l’est toujours, dans le tumulte des départs, où personne ne parle plus de sentiments, mais simplement de bagages, de voitures, d’heure.

Puis, on descendit les malles, comme des cercueils. Puis, ce fut le taxi étroit, avec Thérèse sur le strapontin, Germaine donnait ses derniers ordres.

Et la grosse horloge de la gare de Lyon-Terminus, l’œil s’y bute embué de larmes, au milieu des nuages d’or.

« Mon Dieu, c’est vrai. Elle part. Dans un quart d’heure, le train l’emportera bien seule, bien détachée et son cœur bondira vers un autre homme. » La lagune de Venise.

Que Daniel souffre… Son malheureux visage contracté, c’était donc cela ce bonheur : la retrouver pour la perdre.

Maintenant, sur le quai, ils marchent de long en large, au milieu de beaucoup d’autres couples qui marchent, qui piétinent aussi leurs derniers instants côte à côte, le cœur si chargé d’angoisse et de paroles, qu’ils ne savent plus que dire.