Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/48

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Les lieux communs triomphent, comme dans les enterrements. Il faut du temps pour être original, mourir et partir n’en laissent pas. Sur tous les quais du monde, on se dit, l’un « Bon voyage », l’autre, « Écrivez-moi », et le train siffle, désunissant les amants, au visage baigné de larmes.

Daniel et Germaine sont muets, mais non d’amour, le désaccord est déjà entre eux. Elle le trouve ridicule d’être triste, elle dit :

— « Tu ne vas pas pleurer au moins, je ne puis t’embrasser en public. Tiens-toi. »

Elle dit encore, menteuse et heureuse de mentir si facilement.

— « Pourquoi donc ne m’accompagnes-tu pas là-bas ? Jérôme et toi, vous vous expliqueriez. Tu manques de décision. Allons, tu viendras plus tard, on enverra Jérôme à l’hôtel, et tu prendras sa place. Écris-moi surtout, chaque jour. »

— « Mais vous, Germaine ? »

— « Oh ! moi, je te promets un télégramme à l’arrivée.

Viens voir comme je serai mal dans le sleeping, tu devrais me plaindre, au lieu de pleurer sur toi-même. »

Elle monte dans le compartiment, mais il est l’heure ; rapide, elle se penche, lui tend sa joue, dérobe sa bouche, exprès, tandis que Daniel, crispé aux poignées du wagon, sent lentement, traîtreusement, glisser sous lui, le train qui démarre.

— « Descends, crie-t-elle, tu es fou. » Il saute sur le quai.

Il est seul, avec beaucoup d’autres, qui agitent leurs mouchoirs. Le train tourne, là-bas, sous le hall, gagne l’air libre, où descend un merveilleux soleil d’été, la banlieue, l’espace, il part.

Daniel agite son chapeau, se dresse sur la pointe des pieds, croit reconnaître le geste d’une