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REVUE DU MONDE MUSULMAN

aux gens d’une autre foi. Ses recommandations ne semblent d’ailleurs pas compromettantes. En voici quelques-unes : Mieux vaut s’aveugler soi-même, que devenir envieux, par la vue de la prospérité d’autrui. Mieux vaut se couper la main, que prendre le bien d’autrui ; mais si des moutons entrent dans un champ, il faut attendre, pour les en chasser, qu’ils aient mangé à leur satisfaction. Un bon Maulai n’a pas besoin de prières ni de jeûnes pour après sa mort. Il n’y a qu’un seul pèlerinage : il faut aller vers l’Imâm-i-Zemân ou Sâhib-i-Zemân. Mieux vaut se mutiler soi-même que désobéir au Pir, etc.[1].

Tout homme à la barbe blanche peut procéder lui-même au mariage d’autrui. Il fait asseoir les conjoints, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche, puis prend un peu de viande de mouton grillée dans ses deux mains, et la leur donne en croisant les bras. Il prend ensuite une coupe d’eau, en donne la moitié à la femme. Quelques versets du Kalam-i-Pir terminent la cérémonie[2].

Les Maulais boivent du vin sans se cacher. Ils sont dispensés de la prière et du jeûne. Leur religion, qui semble procéder d’un mysticisme philosophique offrant une moralité assez élevée, n’oblige pratiquement la foule ignorante, nous dit l’auteur des Tribus de l’Hindou Koush, qu’à obéir aux chefs religieux et à leur faire des offrandes.

Le personnage le plus important des Maulais de la région étudiée par M. Biddulph était, à l’époque où il écrivit son livre, Châh Abdul Rahim, de Zebak, honoré et respecté dans plusieurs districts comme venant immédiatement après Aga Khan. Dans ces parages au moins, les Maulais se répartissent entre les Pirs, qu’ils traitent avec un respect extraordinaire. Le titre de Pir est héréditaire. Mais la clientèle n’est pas régionale : dans les districts où Châh Abdul Rahim

  1. Biddulph, Loc. cit.
  2. Ibid.