Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/107

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Le Barbouillé

Que diable est ceci ? Je croyois trouver un homme bien savant, qui me donneroit un bon conseil, et je trouve un ramoneur de cheminée, qui, au lieu de me parler, s’amuse à jouer à la mourre. Un, deux, trois, quatre ; ha, ha, ha ! Oh bien ! ce n’est pas cela ; c’est que je vous prie de m’écouter, et croyez que je ne suis pas un homme à vous faire perdre vos peines, et que, si vous me satisfaites sur ce que je veux de vous, je vous donnerai ce que vous voudrez ; de l’argent, si vous en voulez.

Le docteur

Hé ! De l’argent ?

Le Barbouillé

Oui, de l’argent, et toute autre chose que vous pourriez demander.

Le docteur, troussant sa robe derrière son cul.

Tu me prends donc pour un homme à qui l’argent fait tout faire, pour un homme attaché à l’intérêt, pour une âme mercenaire ? Sache, mon ami, que, quand tu me donnerois une bourse pleine de pistoles, et que cette bourse seroit dans une riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui dans un coffre admirable, ce coffre dans un cabinet curieux, ce cabinet dans une chambre magnifique, cette chambre dans un appartement agréable, cet appartement dans un château pompeux, ce château dans une citadelle incomparable, cette citadelle dans une ville célèbre, cette ville dans une île fertile, cette île dans une province opulente, cette province dans une monarchie florissante, cette monarchie dans tout le monde ; et que tout le monde où seroit cette monarchie florissante, où seroit cette province opulente, où seroit cette île fertile, où seroit cette ville célèbre, où seroit cette citadelle incomparable, où seroit ce château pompeux, où seroit cet appartement agréable, où seroit cette chambre magnifique, où seroit ce cabinet curieux, où seroit ce coffre admirable, où seroit cet étui précieux, où seroit cette riche boîte dans laquelle seroit enfermée la bourse pleine de pistoles, que je me soucierois aussi peu de ton argent et de toi que de cela.

(Il s’en va.)
Le Barbouillé

Ma foi, je m’y suis mépris : à cause qu’il est vêtu comme un médecin, j’ai cru qu’il lui falloit parler d’argent ; mais