Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/247

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Scène II, 4



Marinette

La résolution, madame, est assez prompte.

Lucile

Un cœur ne pèse rien alors que l’on l’affronte ;
Il court à sa vengeance, et saisit promptement
Tout ce qu’il croit servir à son ressentiment.
Le traître ! Faire voir cette insolence extrême !

Marinette

Vous m’en voyez encor toute hors de moi-même ;
Et quoique là-dessus je rumine sans fin,
L’aventure me passe, et j’y perds mon latin.
Car enfin, aux transports d’une bonne nouvelle
Jamais cœur ne s’ouvrit d’une façon plus belle ;
De l’écrit obligeant le sien tout transporté
Ne me donnoit pas moins que de la déité ;
Et cependant jamais, à cet autre message,
Fille ne fut traitée avecque tant d’outrage.
Je ne sais, pour causer de si grands changements,
Ce qui s’est pu passer entre ces courts moments.

Lucile

Rien ne s’est pu passer dont il faille être en peine,
Puisque rien ne le doit défendre de ma haine.
Quoi ? Tu voudrois chercher hors de sa lâcheté
La secrète raison de cette indignité ?
Cet écrit malheureux, dont mon âme s’accuse,
Peut-il à son transport souffrir la moindre excuse ?

Marinette

En effet, je comprends que vous avez raison,
Et que cette querelle est pure trahison :
Nous en tenons, madame. Et puis prêtons l’oreille
Aux bons chiens de pendards qui nous chantent merveille,
Qui pour nous accrocher feignent tant de langueur !
Laissons à leurs beaux mots fondre notre rigueur,
Rendons-nous à leurs vœux, trop foibles que nous sommes !
Foin de notre sottise, et peste soit des hommes !

Lucile

Hé bien, bien ! Qu’il s’en vante et rie à nos dépens :
Il n’aura pas sujet d’en triompher longtemps ;
Et je lui ferai voir qu’en une âme bien faite