Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/266

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Mascarille

Bon ! Me voilà déjà d’un beau titre honoré.

Lucile

Sachons un peu, monsieur, quelle belle saillie
Fait ce conte galand qu’aujourd’hui l’on publie.

Valère

Pardon, charmant objet, un valet a parlé,
Et j’ai vu malgré moi notre hymen révélé.

Lucile

Notre hymen ?

Valère

On sait tout, adorable Lucile,
Et vouloir déguiser est un soin inutile.

Lucile

Quoi ? L’ardeur de mes feux vous a fait mon époux ?

Valère

C’est un bien qui me doit faire mille jaloux ;
Mais j’impute bien moins ce bonheur de ma flamme
À l’ardeur de vos feux qu’aux bontés de votre âme.
Je sais que vous avez sujet de vous fâcher,
Que c’étoit un secret que vous vouliez cacher ;
Et j’ai de mes transports forcé la violence
À ne point violer votre expresse défense ;
Mais…

Mascarille

Hé bien ! Oui, c’est moi : le grand mal que voilà !

Lucile

Est-il une imposture égale à celle-là ?
Vous l’osez soutenir en ma présence même,
Et pensez m’obtenir par ce beau stratagème ?
Oh ! Le plaisant amant, dont la galante ardeur
Veut blesser mon honneur au défaut de mon cœur,
Et que mon père, ému de l’éclat d’un sot conte,
Paye avec mon hymen qui me couvre de honte !
Quand tout contribueroit à votre passion :
Mon père, les destins, mon inclination,
On me verroit combattre, en ma juste colère,
Mon inclination, les destins et mon père,
Perdre même le jour, avant que de m’unir
À qui par ce moyen auroit cru m’obtenir.
Allez ; et si mon sexe, avecque bienséance,