Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/279

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Quand on aime les gens, on peut, de jalousie,
Sur beaucoup d’apparence, avoir l’âme saisie ;
Mais alors qu’on les aime, on ne peut en effet
Se résoudre à les perdre, et vous, vous l’avez fait.


Lucile

La pure jalousie est plus respectueuse.


Éraste

On voit d’un œil plus doux une offense amoureuse.


Lucile

Non, votre cœur, Éraste, étoit mal enflammé.


Éraste

Non, Lucile, jamais vous ne m’avez aimé.


Lucile

Eh ! Je crois que cela foiblement vous soucie.
Peut-être en seroit-il beaucoup mieux pour ma vie,
Si je… Mais laissons là ces discours superflus :
Je ne dis point quels sont mes pensers là-dessus.


Éraste

Pourquoi ?


Lucile

Par la raison que nous rompons ensemble,
Et que cela n’est plus de saison, ce me semble.


Éraste

Nous rompons ?


Lucile

Oui, vraiment : quoi ? N’en est-ce pas fait ?


Éraste

Et vous voyez cela d’un esprit satisfait ?


Lucile

Comme vous.


Éraste

Comme moi ?


Lucile

Sans doute : c’est foiblesse
De faire voir aux gens que leur perte nous blesse.


Éraste

Mais, cruelle, c’est vous qui l’avez bien voulu.


Lucile

Moi ? Point du tout ; c’est vous qui l’avez résolu.


Éraste