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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/347

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Qui m’afflige un endroit que je ne veux pas dire ;
Cependant arrivé vous sortez bien et beau
Sans prendre de repos, ni manger un morceau.

Lélie

Ce grand empressement n’est point digne de blâme
De l’hymen de Célie, on alarme mon âme ;
Tu sais que je l’adore, et je veux être instruit
Avant tout autre soin de ce funeste bruit.

Gros-René

Oui ; mais un bon repas vous serait nécessaire
Pour s’aller éclaircir, Monsieur, de cette affaire,
Et votre cœur sans doute en deviendrait plus fort
Pour pouvoir résister aux attaques du sort.
J’en juge par moi-même, et la moindre disgrâce
Lorsque je suis à jeun, me saisit, me terrasse ;
Mais quand j’ai bien mangé, mon âme est ferme à tout,
Et les plus grands revers n’en viendraient pas à bout.
Croyez-moi, bourrez-vous et sans réserve aucune,
Contre les coups que peut vous porter la fortune,
Et pour fermer chez vous l’entrée à la douleur,
De vingt verres de vin entourez votre cœur.

Lélie

Je ne saurais manger.

Gros-René
, à part ce demi-vers.

Je ne saurais manger. Si ferait bien moi, je meure.
Votre dîné pourtant serait prêt tout à l’heure.

Lélie

Tais-toi, je te l’ordonne.

Gros-René

Tais-toi, je te l'ordonne. Ah ! quel ordre inhumain.

Lélie

J’ai de l’inquiétude et non pas de la faim.

Gros-René

Et moi j’ai de la faim, et de l’inquiétude
De voir qu’un sot amour fait toute votre étude.

Lélie

Laisse-moi m’informer de l’objet de mes vœux,
Et sans m’importuner, va manger si tu veux.

Gros-René