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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/36

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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

tragique et tragi-comique, constitués par Hardi et Larivey, ils se continuèrent dans le dix-septième siècle sans changement notable, mais avec des nuances de talent plus ou moins saillantes, par Théophile, Mayret, Benserade, Boisrobert, Desmarets, Du Ryer, Scudéri, Rotrou et Corneille lui-même à ses débuts, jusqu’au moment où le Cid et le Menteur parurent sur la scène.

De ce Théâtre du seizième siècle et des premières années du dix-septième il n’est rien resté qui puisse aujourd’hui soutenir la représentation. Il y a dans Larivey une force comique parfois saisissante, beaucoup de verve et d’esprit ; dans Cyrano de Bergerac une vive originalité ; dans Du Ryer, dans Rotrou des caractères noblement et fortement tracés, des vers éclatants, des situations dramatiques ; mais l’inspiration ne se soutient jamais, et malgré sa verdeur native, la langue est trop incorrecte, trop abrupte encore pour racheter par le charme du style le défaut d’intérêt ou l’invraisemblance de l’action.

Le Cid fut pour l’art dramatique le signal d’une révolution radicale et profonde. « Cette pièce immortelle, dit Suard, fut traduite dans toutes les langues, même en espagnol, et dans quelques-unes des provinces de France son nom était passé en proverbe ; on disait : Beau comme le Cid. L’admiration qu’inspiraient ses beautés hors de proportion avec tout ce qu’elles laissaient derrière elles, était d’autant plus vive, l’étonnement d’autant plus profond, que les émotions qu’elles excitaient arrivaient à l’âme par des routes encore inconnues. »

La protection que Richelieu, qui lui-même aspirait à la gloire dramatique[1], et plus tard Louis XIV accordèrent au théâtre, contribua non-seulement à favoriser le développement du génie des auteurs, mais encore à propager le goût du spectacle dans les classes élevées de la société, qui jusqu’alors auraient cru déroger en prenant leur part d’un plai-

  1. Richelieu inventait des sujets de pièces dont il faisait versifier chaque acte par un auteur différent. Ces productions se nommèrent : la Pièce des Cinq Auteurs ; Corneille était du nombre. La tragi-comédie de Mirame passe pour être l’œuvre personnelle de Richelieu. On dépensa plus de deux cent mille écus pour la monter.