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DU THÉÂTRE EN FRANCE

sir dont chacun pouvait profiter pour son argent. Les femmes qui n’auraient pu sans scandale assister aux représentations, commencèrent à s’y montrer. Ces représentations avaient lieu dans le jour ; elles commençaient vers deux heures et finissaient vers quatre heures et demie. La mise en scène était des plus simples. Le théâtre se composait d’une estrade placée sur des tréteaux. Les décorations consistaient en quelques toiles peintes, et l’éclairage de la salle en quelques mèches rangées près de la rampe et alimentées par du suif. Les loges, très-mal disposées, laissaient à peine voir et entendre les acteurs, et c’est pour cela que les jeunes gens nobles, ceux que de notre temps on eût appelés les lions, s’asseyaient autour de la scène pour voir et pour être vus. Cet usage persista jusqu’au milieu du dix-huitième siècle, et ce ne fut qu’en 1759 qu’on supprima les banquettes qui incommodaient les acteurs et détruisaient l’illusion.

Dans la seconde moitié du dix-septième siècle, Paris possédait cinq théâtres ; mais par déclaration du 25 août 1680, Louis XIV les réduisit à trois, et c’est « de cette époque, dit M. Régnier[1], que date véritablement la création de la Comédie Française. Le roi, en fixant le nombre des acteurs, en partageant les gains suivant les talents, en réglant lui-même l’ordre de la nouvelle société à laquelle il accordait une pension annuelle de 12,000 livres, introduisit pour l’avenir l’action souveraine du pouvoir dans l’administration du Théâtre-Français. » Sous une telle direction, l’art dramatique s’éleva à une hauteur qu’il n’a jamais atteinte depuis, et il devint une des gloires les moins contestées de l’esprit français.

Corneille avait mis des héros sur la scène ; Racine y mit des hommes, avec toutes leurs faiblesses, toutes leurs passions. Andromaque fut une révélation comme le Cid, et par cette pièce une nouvelle école fut fondée. « L’homme dans Corneille, dit avec raison M. Nisard, s’immole à une idée, dans Racine, il s’immole à sa passion même, et c’est cette

  1. Patria. Hist. du Théâtre en France, p. 2339. — On trouvera, dans l’excellent travail de M. Régnier, une chronologie fort exacte des acteurs qui ont illustré la scène française depuis 1530 jusqu’à nos jours.