Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/495

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sse peut.
Bien que de s’emporter on ait de justes causes,
Une belle d’un mot rajuste bien des choses.
Éraste.
Hélas  ! Je te l’avoue, et déjà cet aspect
À toute ma colère imprime le respect.

Acte I , scène V .

Orphise.
Votre front à mes yeux montre peu d’allégresse  :
Seroit-ce ma présence, Éraste, qui vous blesse  ?


Qu’est-ce donc  ? Qu’avez-vous  ? Et sur quels déplaisirs,
Lorsque vous me voyez, poussez-vous des soupirs  ?
Éraste.
Hélas  ! Pouvez-vous bien me demander, cruelle,
Ce qui fait de mon cœur la tristesse mortelle  ?
Et d’un esprit méchant n’est-ce pas un effet
Que feindre d’ignorer ce que vous m’avez fait  ?
Celui dont l’entretien vous a fait à ma vue
Passer...
Orphise, riant.
C’est de cela que votre âme est émue  ?
Éraste.
Insultez, inhumaine, encore à mon malheur.
Allez, il vous sied mal de railler ma douleur,
Et d’abuser, ingrate, à maltraiter ma flamme,
Du foible que pour vous vous savez qu’a mon âme.
Orphise.
Certes il en faut rire, et confesser ici
Que vous êtes bien fou de vous troubler ainsi.
L’homme dont vous parlez, loin qu’il puisse me plaire,
Est un homme fâcheux dont j’ai su me défaire,
Un de ces importuns et sots officieux
Qui ne sauroient souffrir qu’on soit seule en des lieux,
Et viennent aussitôt avec un doux langage
Vous donner une main contre qui l’on enrage.
J’ai feint de m’en aller pour cacher mon dessein,
Et jusqu’à mon carrosse il m’a prêté la main  ;
Je m’en suis promptement défaite de la sorte,
Et j’ai pour vous trouver rentré par l’autre porte.
Éraste'