Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/546

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Et moi-même je veux l’aller faire sortir.
Que l’on m’attende ici.


Scène 3



Alain, Georgette


Georgette.

Mon Dieu ! qu’il est terrible !
Ses regards m’ont fait peur, mais une peur horrible ;
Et jamais je ne vis un plus hideux chrétien.

Alain.

Ce Monsieur l’a fâché : je te le disais bien.

Georgette.

Mais que diantre est-ce là, qu’avec tant de rudesse
Il nous fait au logis garder notre maîtresse ?
D’où vient qu’à tout le monde il veut tant la cacher,
Et qu’il ne saurait voir personne en approcher ?

Alain.

C’est que cette action le met en jalousie.

Georgette.

Mais d’où vient qu’il est pris de cette fantaisie ?

Alain.

Cela vient... cela vient de ce qu’il est jaloux.

Georgette.

Oui ; mais pourquoi l’est-il ? et pourquoi ce courroux ?

Alain.

C’est que la jalousie... entends-tu bien, Georgette,
Est une chose... là... qui fait qu’on s’inquiète...
Et qui chasse les gens d’autour d’une maison.
Je m’en vais te bailler une comparaison,
Afin de concevoir la chose davantage.
Dis-moi, n’est-il pas vrai, quand tu tiens ton potage,
Que si quelque affamé venait pour en manger,
Tu serais en colère, et voudrais le charger ?

Georgette.

Oui, je comprends cela.

Alain.

C’est justement tout comme :
La femme est en effet le potage de l’homme ;
Et quand un homme voit d’autres hommes parfois

Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,