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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/77

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J.-B. POQUELIN DE MOLIERE.

Lille ; ils en rapportèrent cette réponse : « Qu’après son retour, le roi ferait de nouveau examiner la pièce, et qu’ils la joueraient. » Lille se rendit le 27 août, le roi était de retour à Saint-Germain le 7 septembre ; mais l’on ne vit pas jouer le Tartuffe. M. Bazin ajoute avec raison que ce qui se passa depuis, au sujet de cette comédie célèbre, entre l’auteur et le roi, est à peu près inconnu, et que les suppositions qui ont été faites à ce propos ne reposent sur aucun fait précis. Ce qu’il y a de certain, c’est que Molière ne cessa de solliciter l’autorisation de reprendre la pièce en public ; que cette autorisation lui fut enfin accordée par le roi, et que Tartuffe fut représenté de nouveau le 5 février 1669.

« Personne encore n’ayant pris soin de chercher et de nous dire ce qui avait pu déterminer cette tolérance tardive et subite pour l’œuvre longtemps prohibée, dit M. Bazin, qu’il faut souvent citer pour les détails précis et les explications ingénieuses, il nous a fallu jeter un regard dans les faits de l’histoire, et nous y avons trouvé une explication fort plausible. Le long débat qui avait divisé l’Église de France et mis aux prises une partie du clergé avec l’autorité pontificale venait d’être enfin terminé par un accommodement que l’on voulait croire durable. Le bref préliminaire à cette fin était parti de Rome le 29 septembre 1668 ; l’arrêt du conseil qui en était la suite avait été rendu le 26 octobre ; le docteur Arnault avait fait sa soumission le 4 décembre, et le bref définitif de réconciliation, date du 19 janvier 1669, était arrivé vers la fin du mois. Dans les premiers jours de février, tout était joie, espérance, bonne amitié, concorde, oubli des injures, réparation des torts ; il ne restait plus qu’à réintégrer les religieuses de Port-Royal, ce qui eut lieu le 17. Molière profita du moment où tout le monde s’embrassait pour mettre aussi son Tartuffe en liberté, comme tacitement compris dans la paix de Clément IX. »