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J.-B. POQUELIN DE MOLIÈRE.

De l’année 1664 jusqu’à l’époque à laquelle nous sommes parvenus, 1669, Molière avait donné successivement Don Juan, l’Amour médecin, le Misanthrope, le Médecin malgré lui, Melicerte, la Pastorale comique, Amphitryon, George Dandin, l’Avare. Les prudes, les médecins, les pédants, les marquis, les auteurs jaloux et les auteurs sifflés, les jésuites et les jansénistes, les hypocrites et les hommes sincèrement dévots s’étaient tour à tour ou tous ensemble, à l’occasion de ces diverses pièces, ameutés contre le grand écrivain, et lui, dit M. Sainte-Beuve, « troublé avec tout cela de passions et de tracas domestiques, directeur de troupe et comédien infatigable, bien qu’au régime et au lait, durant quinze ans, il suffit à tous les emplois ; à chaque nécessité survenante, son génie est présent, gardant de plus en plus les heures d’inspiration propre et d’initiative. » Molière, en effet, n’est pas seulement un comique incomparable, c’est aussi un improvisateur sans rival. Les Fâcheux furent composés et joués en quinze jours ; l’Amour médecin, en cinq jours : ce qui n’a pas empêché Grimarest de dire que Molière travaillait difficilement. La Princesse d’Elide n’a que le premier acte en vers, le reste suit en prose, et, comme le dit spirituellement M. Sainte-Beuve, « la comédie n’a eu le temps cette fois que de chausser ses brodequins, mais elle paraît à l’heure sonnante, quoique l’autre brodequin ne soit pas lacé… et ces diversions ne l’empêchaient pas tout aussitôt de songer à Boileau, aux juges difficiles, à lui-même et au genre humain, par le Misanthrope, par le Tartuffe et les Femmes savantes. »

Molière voulut s’acquitter envers le roi, par de nouveaux efforts, de la bienveillance que le monarque lui avait accordée au milieu des nombreux combats qu’il eut à soutenir, tantôt pour des questions d’art et de goût, tantôt pour des questions de morale et de religion. Le 6 octobre, il donnait M. de Pourceaugnac, à Chambord : l’année suivante (1670), il traitait sur les