Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/423

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890Qui n’ait eu pour objet votre convalescence.

Elmire
Votre zèle pour moi s’est trop inquiété.


Tartuffe
On ne peut trop chérir votre chère santé ;

Et pour la rétablir, j’aurais donné la mienne.

Elmire
C’est pousser bien avant la charité chrétienne ;

895Et je vous dois beaucoup pour toutes ces bontés.

Tartuffe
Je fais bien moins pour vous que vous ne méritez.


Elmire
J’ai voulu vous parler en secret d’une affaire,

Et suis bien aise, ici, qu’aucun ne nous éclaire.

Tartuffe
J’en suis ravi de même ; et sans doute, il m’est doux

900Madame, de me voir seul à seul avec vous.
C’est une occasion qu’au ciel j’ai demandée,
Sans que, jusqu’à cette heure, il me l’ait accordée.

Elmire
Pour moi, ce que je veux, c’est un mot d’entretien,

Où tout votre cœur s’ouvre, et ne me cache rien.

Damis, sans se montrer, entr’ouvre la porte du cabinet dans lequel il s’était retiré, pour entendre la conversation.

Tartuffe
905Et je ne veux aussi, pour grâce singulière,

Que montrer à vos yeux mon âme tout entière,
Et vous faire serment que les bruits que j’ai faits
Des visites qu’ici reçoivent vos attraits
Ne sont pas envers vous l’effet d’aucune haine,
910Mais plutôt d’un transport de zèle qui m’entraîne,
Et d’un pur mouvement…

Elmire
Et d’un pur mouvement… Je le prends bien aussi,

Et crois que mon salut vous donne ce souci.

Tartuffe, prenant la main d’Elmire, et lui serrant les doigts.
Oui, madame, sans doute, et ma ferveur est telle…


Elmire
Ouf ! vous me serrez trop.


Tartuffe
Ouf ! vous me serrez trop. C’est par excès de zèle.