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ACTE I, SCÈNE II.

MONSIEUR JOURDAIN.

Passe, passe. Voyons.

DIALOGUE EN MUSIQUE.
UNE MUSICIENNE ET DEUX MUSICIENS.
LA MUSICIENNE.

Un cœur, dans l’amoureux empire,
De mille soins est toujours agité.
On dit qu’avec plaisir on languit, on soupire,
Mais quoi qu’on puisse dire,
Il n’est rien de si doux que notre liberté.

PREMIER MUSICIEN.

Il n’est rien de si doux que les tendres ardeurs
Qui font vivre deux cœurs
Dans une même envie ;
On ne peut être heureux sans amoureux désirs.
Ôtez l’amour de la vie,
Vous en ôtez les plaisirs.

SECOND MUSICIEN.

Il seroit doux d’entrer sous l’amoureuse loi,
Si l’on trouvoit en amour de la foi ;
Mais, hélas ! ô rigueur cruelle !
On ne voit point de bergère fidèle ;
Et ce sexe inconstant, trop indigne du jour,
Doit faire pour jamais renoncer à l’amour.

PREMIER MUSICIEN.

Aimable ardeur !

LA MUSICIENNE.

Franchise heureuse !

SECOND MUSICIEN.

Sexe trompeur !

PREMIER MUSICIEN.

Que tu m’es précieuse !

LA MUSICIENNE.

Que tu plais à mon cœur !

SECOND MUSICIEN.

Que tu me fais d’horreur !

PREMIER MUSICIEN.

Ah ! quitte, pour aimer cette haine mortelle !