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Page:Molière - L’Avare 1669.djvu/72

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Douze mille livres de rente ?

Frosine

Oui. Premièrement, elle est nourrie et élevée dans une grande épargne de bouche. C’est une fille accoutumée à vivre de salade, de lait, de fromage et de pommes, et à laquelle par conséquent il ne faudra ni table bien servie ni consommés exquis, ni orges mondés perpétuels, ni les autres délicatesses qu’il faudrait pour une autre femme ; et cela ne va pas à si peu de chose qu’il ne monte bien tous les ans à trois mille francs pour le moins. Outre cela, elle n’est curieuse que d’une propreté fort simple, et n’aime point les superbes habits, ni les riches bijoux, ni les meubles somptueux, où donnent ses pareilles avec tant de chaleur ; et cet article-là vaut plus de quatre mille livres par an. De plus, elle a une aversion horrible pour le jeu, ce qui n’est pas commun aux femmes d’aujourd’hui ; et j’en sais une de nos quartiers qui a perdu, à trente et quarante, vingt mille francs cette année ! Mais n’en prenons rien que le quart. Cinq mille francs au jeu par an, et quatre mille francs en habits et bijoux, cela fait neuf mille livres, et mille écus