Page:Molière - L’Avare 1669.djvu/91

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mes chevaux, qu’il me semble que c’est moi-même, quand je les vois pâtir ; je m’ôte tous les jours pour eux les choses de la bouche, et c’est être, monsieur, d’un naturel trop dur que de n’avoir nulle pitié de son prochain.

Harpagon

Le travail ne sera pas grand d’aller jusqu’à la foire.

Maître Jacques

Non, monsieur, je n’ai pas le courage de les mener, et je ferais conscience de leur donner des coups de fouet en l’état où ils sont. Comment voudriez-vous qu’ils traînassent un carrosse, qu’ils ne peuvent pas se traîner eux-mêmes ?

Valère

Monsieur, j’obligerai le voisin le Picard à se charger de les conduire : aussi bien nous fera-t-il ici besoin pour apprêter le souper.

Maître Jacques

Soit. J’aime mieux encore qu’ils meurent sous la main d’un autre que sous la mienne.

Valère

Maître Jacques fait bien le raisonnable.

Maître Jacques

Monsieur l’intendant fait bien le nécessaire.

Harpagon