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LIVRE III, CHAPITRE I

déjà qu’ils trouvèrent devant eux Gélon, le tyran de Syracuse, qui les battit à plate couture (274)480 av. J.-C. sous Himère (II, p. 105). A la même heure, leurs frères de Syrie étaient écrasés à Salamine à côté des Perses. La lâcheté pourtant n’était pas le vice de ce peuple. Il faut, certes, du courage au capitaine qui commande un vaisseau de guerre, au navigateur qui s'aventure dans des eaux inconnues: or, l’on sait qu'il s’est trouvé chez les Phéniciens bon nombre d'excellents marins. Dira-t·on qu’ils n’avaient ni la persistance ni l’énergie exclusive du sentiment national? Mais les Araméens ne se sont-ils pas signalés, au contraire, par l’obstination indomptable de leur génie? Quel peuple, parmi les Indo-Germains, leur pourrait être comparé sous ce rapport? Ne nous est-il pas arrivé à nous-mêmes de nous demander s’ils étaient au-dessus ou bien au-dessous de l’humaine nature, ces Sémites endurcis qui, s'armant de tout leur fanatisme, ou versant leur sang à flots, ont su résister jusqu’au bout aux entraînements de la civilisation grecque et aux moyens de contrainte des dominateurs venus de l’est ou de l’ouest? Sentiment profond de la race, amour ardent de la patrie, telles furent aussi les vertus des Phéniciens : mais encore une fois, ils n’eurent point avec elles le sens politique, et c'est là le trait essentiel de leur caractère. La liberté n'a point pour eux son attrait ordinaire : ils n’aspirent point à la domination, et pour emprunter le langage de la Bible, « ils vivent comme ont accoutumé d’être les Sidoniens, sans aucune crainte, en paix et en assurance, extrêmement riches[1]. »
Carthage.Parmi les établissements phéniciens, les plus rapidement et les plus constamment prospères furent ceux, sans

  1. [Livre des Juges, XV, 7; (Lemaistre de Sacy). Populum habitantem in ea, absque ullo timore, juxta c0nsuetudinem Sidoniorum, securum et quietum...·et magnarum opum.]