Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
UNE ŒUVRE D’ARTISTE

deuil : pour la seconde fois Louise était devenue orpheline.

À l’approche de Marius, craintive elle s’apprêtait à rentrer ; mais il la retint par la main ; et gardant toujours dans la sienne la petite main prisonnière qu’il sentait trembler, il dit, un peu troublé, tout d’une haleine : « La Louise, je vous trouve bien seule ! Si vous ne me trouviez pas trop vieux pour vos vingt ans, eh bien ! nous cheminerions ensemble. » — Puis plus bas. ses lèvres frôlant presque les bruns cheveux de la jeune fille, que doucement il attirait contre lui. — « Je vous aime depuis si longtemps ! je vous promets de vous rendre heureuse… si vous vouliez, vous hâteriez mon bonheur : aux prochaines olives nous nous marierions ? »

Comme quelqu’un, qui sevré de joie et d’affection, retrouve en un instant toutes les tendresses et les douceurs perdues, Louise n’eut point de paroles pour répondre au jeune homme attendant anxieusement le mot tant souhaité, qui allait enfin décider de sa vie ! Seulement quand elle leva vers lui son limpide regard, il y lut tant de confiance, elle eut un si charmant sourire que Marius n’en demanda pas davantage, cet éloquent silence valait pour lui mille paroles. Alors transporté de bonheur il baisa le front pur et lisse de la jeune fille : Marius et Louise étaient fiancés. Deux mois plus tard, lorsque les branches des oliviers ployaient sous leurs fruits, Marius Guéridou fier comme un roi, heureux comme nul autre, conduisait à l’autel sa douce amie, toute de blanc vêtue et belle et chaste comme une sainte du Paradis.

Pendant dix années le ménage fut heureux. Durant cette ère de félicité conjugale. Louise n’aurait pas connu