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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

Elle résolut de s’en séparer avant qu’elle ne fût enlevée de ce monde. À tout prix elle voulait lui épargner le douloureux spectacle de ses derniers moments.

Elle se souvint d’un oncle, frère cadet de sa mère, lequel habitait le département voisin, où il exerçait l’humble métier de potier. Il se faisait vieux, et il vivait seul. Elle ne douta point qu’avant peu il lui faudrait un aide ; elle le savait compatissant. Benoit, auprès de lui, ne serait pas complètement malheureux.

Comme le vieillard ne savait pas lire et qu’elle-même ne savait pas écrire, elle pria le messager qui faisait le service entre Marseille et Toulon, de vouloir bien s’arrêter, en passant à Aubagne, au hameau de la Bourine, où restait le potier, et de lui demander s’il ne consentirait pas à prendre avec lui le petit fils de sa sœur sur le point de devenir doublement orphelin. Le voiturier s’acquitta volontiers de la commission et lorsqu’il revint à la C… il apprit à la Louise que son vieil oncle attendait le petit.

Il fut résolu que Benoit partirait au prochain voyage, à la fin de la semaine. Les quelques jours qui précédèrent le départ s’enfuirent avec la rapidité d’un rêve, surtout pour la pauvre mère, qui savait qu’elle ne reverrait plus son cher enfant. Pour ne pas l’attrister elle lui fit entendre que la séparation ne serait pas longue et que sitôt guérie elle irait le reprendre. Ce fut là le premier mensonge de Louise ; mais elle pensait bien que le bon Dieu qui a compassion des mères affligées, le lui pardonnerait.

Elle prépara le petit bagage de l’enfant et choisit ce qu’il y avait de meilleur dans ses modestes vêtements. Elle lui donna aussi son chapelet en grains d’olives, un