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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

se dévouait au service de sa famille. Elle n’avait pas voulu se séparer du « petit » que depuis sa nomination elle appelait cérémonieusement : Monsieur le Curé.

Le nouveau pasteur gagna tout de suite les sympathies. Pour Bertrande ce fut un peu plus long ! c’est que son abord ne plaidait guère en sa faveur. Pourtant toute la rudesse de la vieille fille n’était qu’extérieure ; elle était prompte à s’attendrir sur les misères d’autrui. Cependant, dans ce cœur si bon, il y avait profondément enracinée une insurmontable antipathie qui remontait aux premières heures de sa jeunesse. L’objet de cette inguérissable aversion (exception faite de son vieux maître et de l’Abbé) était le sexe fort. Elle lui devait néanmoins l’insigne privilège de posséder, dans toute son éclatante blancheur, sa palme virginale, qu’elle voulait, disait-elle, emporter intacte au Paradis.

Cette antipathie chronique ne troublait pas son âme et ne l’empêchait pas d’accomplir, dans toute l’étendue de sa naturelle générosité, le précepte divin de la charité, même à l’égard du sexe abhorré.

Depuis son arrivée à la Bourine, Bertrande cumulait les fonctions de gouvernante et de sacristain et s’acquittait à merveille de sa double tâche à la grande satisfaction de son jeune maître qui l’appelait en riant : son premier vicaire !

Comme on approchait de Noël, elle se chargea de l’installation de la crèche dans la petite église, son second « chez elle ». N’aimant pas être observée dans sa pieuse besogne, elle choisissait les heures où l’humble temple devenait désert.

Un soir, qu’elle se trouvait à la sacristie, elle vit entrer, au travers de l’entre-bâillement de la porte, un