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CŒUR MAGNANIME

— Du tout, répliquai-je. Tu comprends que c’était là un pur mensonge, jamais je me serais imaginé que l’exquise créature que j’avais devant moi était le rejeton de l’affreux couple qui m’héberge.

Elle s’appelle Odile, un nom gracieux comme elle, n’est-ce pas ? elle m’a dit que beaucoup d’Alsaciennes le portent, car sainte Odile est en grande vénération à Strasbourg et dans toute l’Alsace.

Inévitablement nous avons parlé du Canada. Elle est très questionneuse, un brin curieuse ; c’est là, m’avoue-t-elle, un défaut propre à son sexe — ce n’est pas toi en tous les cas qui pouvais m’en faire apercevoir. Elle veut tout savoir, tout connaître ; je serai libre de ne point lui répondre, mais on s’en voudrait de contrarier cette gentille enfant, puis son babil m’amuse, son timbre de voix est si agréable que je me plais à l’entendre parler.

« Vous êtes Canadien, m’a-t-elle demandé hier, tandis que nous nous promenions dans les allées du jardin.

— Par mon cœur oui, Mademoiselle ; mais par ma naissance, je suis Français, mon père était du midi de la France, ma mère, elle, était Espagnole.

— Vous en avez le type. Elle poursuivit. « Vos parents sont morts sans doute ? »

— Oui, Mademoiselle. » Comme je savais que par ses questions elle me pousserait jusque dans mes derniers retranchements, je lui racontai assez brièvement mon histoire ; la chère petite doit être très compatissante ; car mon récit l’a émue et j’ai vu briller des larmes dans ses grands yeux.

Comme je lui ai beaucoup parlé de toi (sans lui avoir révélé notre amour) elle m’a demandé encore :