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CŒUR MAGNANIME

leur beauté ni de leurs talents, car vous les possédez dans une égale mesure… Cette réplique amena sur ses lèvres un petit sourire satisfait.

Maintenant nous sommes de bons amis, mais sa société tout agréable qu’elle soit, ne peut me faire oublier le vide de ta chère présence. Ah ! pourquoi le Canada est-il si loin de la France !

Mes camarades sont venus passer une journée avec moi à la Varenne. Nous avons fait une promenade sur l’eau, dans un canot que l’on nomme ici « périssoire ». Le mot n’est pas exagéré. Pour monter ces sortes d’embarcations, qui ne ressemblent pas à nos canots indiens, il est bon de laisser la turbulence sur le rivage. C’est miracle que la partie n’ait pas tourné au tragique ; les gesticulades de Figuière ont failli plus de dix fois renverser notre chaloupe, c’est qu’un plongeon dans la Marne est tout aussi dangereux, sinon plus, que dans notre Saint-Laurent ; cette rivière est traîtresse à certains endroits ; les tourbillons sont nombreux. Enfin nous avons achevé notre promenade nautique indemnes d’accident.

Michel Girard m’écrit qu’il est toujours votre hôte assidu et que tous deux vous vous entretenez souvent longuement du « cher parisien. »

Il me parle beaucoup de toi ; comme il t’aime ! il ne me l’avoue pas ; mais son amour transpire à chaque ligne. Pauvre ami ! je ne puis que le plaindre sans pouvoir remédier à son intime souffrance, car je sens qu’il souffre ! Que sera-ce quand il apprendra que tu ne t’appartiens plus et que l’heureux possesseur du trésor, après lequel il soupire, c’est moi, moi ton frère adoptif, et son ami, dont il était le meilleur confident.