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CŒUR MAGNANIME

Je ne me sens pas le courage de lui confier mon secret, je sais qu’il briserait son cœur… Laissons-lui ignorer encore notre mutuel amour ; il l’apprendra assez tôt, pauvre Michel ! Je reconnais que sa belle nature s’accorderait mieux avec la tienne, je suis si loin de vous ressembler à tous deux ; vous êtes la Sagesse, je suis la Folie ; c’est justement pour cette raison, ma jolie, qu’il me faut auprès de moi un ange comme toi afin de m’aider à devenir un peu moins mauvais chaque jour. Tout méchant que soit ton Rodrigue, tu sais qu’il t’adore ; ce qui lui donne droit à ton indulgente pitié pour sa pléiade de défauts rachetés par son inaltérable amour.

À Dieu, mon cœur, aime-moi bien toujours.

Rodrigue.

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Michel Girard venait en effet très souvent chez les Solier, qui le regardaient un peu comme leur second fils ; Madame Solier avait été l’amie de sa mère, cette amitié remontait aux lointaines années du couvent ; elles ne s’étaient jamais perdues de vue, la mort seule avait brisé cette douce intimité.

Anne-Marie était le principal objet des nombreuses visites que Michel Girard faisait à ses vieux amis ; il l’aimait sans oser le lui dire, sans même le laisser soupçonner. Timide et gauche il cachait, sous une enveloppe peu brillante, une intelligence et une âme d’élite.