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CŒUR MAGNANIME

Son regard clair et profond exprimait une grande droiture et une exquise bonté. Anne-Marie l’avait remarqué parmi les amis de son frère et lui avait voué, dès la première heure, une sincère amitié ; elle, d’ordinaire si réservée envers les jeunes gens, se montrait avec lui confiante et enjouée ; il la respectait tant ! c’était cette attitude même qui lui avait gagné les préférences de la prudente et sage jeune fille.

Le jeune homme était avocat ; doué d’un rare talent oratoire, ses plaidoiries l’avaient déjà rendu célèbre. Nature loyale dans toute la force du mot, l’appât du gain ne le tentait guère ; lorsque la cause qu’on lui soumettait lui paraissait opposée aux sentiments d’honneur et de justice si profondément ancrés dans son âme. il la refusait fièrement ; en retour il réalisait dans toute sa vérité la noble appellation de défenseur de la veuve et de d’orphelin, ses plaidoiries gratuites étaient nombreuses et comme on lui faisait remarquer quelquefois que, tout en marchant dans le chemin de la Gloire, il tournait le dos à la Fortune ; « Bah ! répliquait-il, la charité n’appauvrit pas ! Défendre la cause des malheureux, c’est défendre la cause de Dieu, puisqu’ils sont ses membres souffrants ; vous voudriez que je m’y refuse ! laissez-moi continuer, je ne plaide jamais si bien que lorsque je ne suis payé que par la gratitude. »

On comprend qu’un tel cœur était digne de l’affection de l’angélique Anne-Marie. Elle l’aimait à l’égal d’un frère et causait avec lui aussi familièrement que si elle avait été sa sœur.

Depuis que Rodrigue n’était plus là, il faisait presque l’unique sujet de leurs conversations. Anne-Marie lisait à Michel Girard les divers passages des lettres où