Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
CŒUR MAGNANIME

son mari se trouvait de passage à Paris en compagnie de sa jeune femme. Il devança son retour au Canada afin d’accompagner la veuve de son ami durant son long voyage. Elle arriva à Québec à l’époque même où l’on attendait naguère le jeune couple : hélas ! elle était seule…

La première entrevue fut émouvante, elle réveilla la cuisante douleur. À la vue de la femme de Rodrigue, Anne-Marie eut comme un mouvement de révolte et de rancune ; ce ne fut qu’un éclair rapide. « Ô mon Dieu, murmura-t-elle, venez en aide à mon humaine faiblesse ; aidez-moi à oublier et à l’aimer afin que je puisse mieux trouver le chemin de son cœur. Appliquez sur la blessure toujours saignante du mien le baume de votre charité. Elle m’a pris mon bonheur ; c’est vrai, mais elle n’est point coupable. Aidez-moi à ne plus regarder en arrière, pour que le présent me semble moins amer. »

Insensiblement l’orage s’apaisa et le calme reprit son empire dans cette âme pétrie de dévoûment, de tendresse et de bonté.

Comme un pauvre oiselet à peine sorti du nid et qui, loin de l’aile maternelle se sent apeuré et perdu, Odile se blottit frileusement contre le sein de sa nouvelle amie. Elle ne se sentait plus seule. Rodrigue avait bien dit ; elle pouvait se reposer en toute sécurité sur ce cœur sans pareil…

« Je vous aime beaucoup — lui dit timidement la jeune veuve — si vous vouliez m’aimer un peu, je serai presque heureuse dans mon malheur ». En prononçant ces mots elle fondit en pleurs.

Anne-Marie était gagnée, les larmes avaient une puis-