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CŒUR MAGNANIME

La « terrible » Léocadie à la vue d’Odile sentit soudain tomber son dernier reste de rancune. En voyant cette frêle créature, qui semblait encore une enfant, enveloppée de ses longs voiles de veuve, la pauvre vieille fut toute émue et pour la brave servante de la compassion à une amitié aveugle il n’y avait qu’un pas, que son bon cœur ne tarda pas à franchir.

Odile aimait tout le monde ; mais ses prédilections allaient vers cette grande sœur si aimante et si bonne qui l’entourait d’une affection grandissante et auprès de laquelle elle éprouvait un allégement à son affliction, sans doute parce que c’était là qu’elle la sentait mieux partagée.

Anne-Marie, pour faire un peu diversion aux chagrins de sa petite belle-sœur, lui faisait faire de longues promenades. « Grande Amie » les accompagnait toujours. Celle-ci était devenue l’enfant de la maison ; depuis longtemps son élève la regardait uniquement comme une sœur aînée.

La jeune femme s’émerveillait de tout. La nouveauté exerçait un puissant attrait sur cette nature qui persistait à demeurer enfant : tout l’étonnait. Elle ne pouvait se lasser de contempler du haut de la terrasse Dufferin, halte préférée des trois jeunes promeneuses, le décor magique que déroule aux regards le vaste fleuve et ses rives enchanteresses. Notre bonne vieille cité lui plaisait beaucoup.

Rodrigue lui avait si souvent parlé de son cher Québec qu’il lui semblait que tous ces lieux, qu’elle ne voyait pourtant que pour la première fois, lui étaient familiers. Elle se sentait chez elle, et lorsqu’on lui demandait si elle ne regrettait point Paris : « mais je n’y pense