Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/143

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fut une joie. Il en possédait toutes les parties tellement présentes à son esprit que la dernière copie fut écrite par lui sans brouillon sous les yeux et presque sans rature.

Pendant ces années, un grand changement était survenu dans la vie de Taine. Le 8 juin 1868, il avait épousé mademoiselle Denuelle, la fille d’un architecte de grand mérite. Je contreviendrais à la volonté maintes fois exprimée de M. Taine si je faisais ici autre chose que l’histoire de ses livres et de son esprit ; mais cette histoire serait-elle complète si je ne disais pas que dans l’existence nouvelle et plus large qui lui était faite, dans les affections qui s’ajoutaient sans rien leur retrancher à celles dont son cœur avait vécu jusque-là, dans la présence d’une femme capable et digne de s’associer à tous ses intérêts, et d’enfants qui ne lui ont apporté que de la joie et de la fierté, il a trouvé, avec un bonheur complet, les forces nécessaires pour accomplir la dernière et la plus fatigante partie de son œuvre. Il put organiser sa vie selon les exigences de son travail et de sa santé, renoncer entièrement aux obligations mondaines sans avoir à souffrir de la solitude, se faire le centre d’un cercle choisi de lettrés, de savants et d’artistes