Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/330

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Parler des passions, c’est les nourrir. » -- « Disons-nous chaque matin, pour nous fortifier, que le devoir seul importe, et que tout le reste n’est rien. » C’est sur ces paroles que se clôt le Journal.

Qu’on ne croie pas que ce fût là un élan passager, une phase dans sa vie : Michelet resta toujours fidèle aux principes de sa jeunesse. Ses journées étaient distribuées avec une régularité immuable, son travail et ses lectures soumis à la plus stricte méthode, ses mœurs graves et simples ; il garda le goût de la vie solitaire, égayée par quelques amitiés et ennoblie par la charité. Toute cette discipline ne faisait d’ailleurs que surexciter son imagination et sa sensibilité en les comprimant. Ce bourgeois rangé, irréprochable, à peine avait-il la plume à la main, c’était la Sibylle sur son trépied.

Michelet nous apparaît déjà dans son Journal tel qu’il sera toute sa vie, et rien ne peut mieux en faire comprendre l’harmonie et l’unité. La légende, souvent répétée par des juges superficiels ou prévenus, d’après laquelle il aurait éprouvé après 1840 un brusque changement moral qui l’aurait transformé de catholique et de royaliste qu’il était en libre penseur et en révolutionnaire, soit par désir de popularité,