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Page:Monod - Renan, Taine, Michelet, 1894.djvu/331

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soit par vanité blessée, cette légende ne résiste pas à la lecture du Journal. Sa lettre à Poinsot, écrite au milieu des émotions populaires de 1820, « le troisième jour de la Révolution », a déjà l’accent de l’Introduction à l’histoire universelle et de la préface de l’Histoire de la Révolution. Il admire presque Louvel et voit en lui le vengeur de Ney. Il est déjà libéral, démocrate, et la fibre révolutionnaire vibre en lui. Il voit dans le Christ « un homme de bonne foi, exalté dans ses méditations profondes, surpris lui-même de sa sagesse et qui s’est cru le Messie ». Saint Paul, « très faible de raisonnement », est pour lui le fondateur de l’Église. Michelet avait la foi du Vicaire savoyard : Dieu et l’immortalité. Il l’a toujours eue et il n’a jamais eu que celle-là.

Nous retrouvons dans le Journal le germe de tout ce que Michelet a pensé et écrit plus tard. N’est-ce pas le plan de la Sorcière qu’il trace en 1825 ? « Si l’on faisait les mémoires de Satan, il faudrait le montrer d’abord furieux, se croyant égal à Dieu… puis, pâlissant, diminuant chaque jour, et s’absorbant en Dieu dont il n’est qu’une forme. » N’est-ce pas la Bible de l’humanité qu’il rêve dès 1820 : « Je sens vivement la nécessité d’un livre qui