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SA VIE, SON ŒUVRE

À lundi prochain, mon cher directeur, accueillez cette lettre d’un revenant qui, de loin comme de près, vous garde sa meilleure amitié…


Les chroniques de Monselet, dès cette époque, revêtent un caractère tout autre : la gaîté d’autrefois y est remplacée par une inaltérable bonne humeur à laquelle vient se mêler une pointe d’un sentiment exquis ; le ton en est plus élevé, l’érudition s’y glisse parfois, le souvenir y a sa large part.

Ah ! le souvenir !

Charles Monselet avait passé la première partie de sa carrière à se souvenir du xviiie siècle ; il devait passer la seconde partie à se souvenir de ses propres débuts, des hommes et des événements de cette époque.

Le souvenir ! l’écrivain a beau le chasser, le souvenir le poursuit, l’obsède : prend-il la plume pour écrire quelque conte nouveau, repousse-t-il le livre pour ne pas céder à la tentation de lui emprunter quelques lignes, sa mémoire est la plus forte et sa pensée conduit sa plume. Mais la part d’originalité de l’homme de lettres est assez considérable pour que ses mémoires, loin d’amoindrir son œuvre, y ajoutent au contraire un mérite réel. Ces aimables causeries, rassemblées en hâte dans les dernières années de l’auteur, ont fourni la matière de deux volumes[1], qui seront plus tard très souvent consultés et auxquels, moi-même, j’ai emprunté force passages.

Quoi qu’il en soit, Charles Monselet se rendait compte cependant que le souvenir, auquel il cédait trop aisément, paralysait ses efforts et nuisait à la production d’ouvrages plus puissants.

Voici ce qu’il écrivait, à ce propos, dès 1866, dans le Nouvel Illustré (no du 14 novembre) :

  1. Petits Mémoires littéraires. Paris, 1885, Charpentier. — Mes Souvenirs littéraires. Paris, 1889, Decaux.