une résignation que je n’ai pas à apprécier, le Sénat le casa définitivement, en faisant de lui un conseiller à la cour de cassation.
C’est dans ce port qu’il a passé les vingt-cinq dernières années de sa vie, à peine troublé par le bouleversement des Cent-Jours, maintenu par tous les gouvernements, acceptés d’ailleurs philosophiquement par lui. C’est sur ce siège magistral qu’il a élaboré sa Physiologie du goût, œuvre et résumé de sa vie.
» Nous nous trouvons ici en présence d’un livre adopté sur lequel il n’y a à revenir que pour l’éloge, d’un livre sainement pensé, spirituellement déduit, écrit dans le style le plus naturel du monde, ce qui n’en exclut pas les agréments et les originalités particulières au tempérament de son auteur. Je n’y relève un peu d’apprêt çà et là que dans l’ordonnance, ce qui est encore une marque de révérence envers le lecteur, la preuve qu’on cherche à lui plaire en lui coupant les morceaux par bouchées petites et coquettes. Où Brillat-Savarin excelle surtout, c’est dans l’anecdote ; — il en possède le véritable secret, le tour et le ton.
» Il a conquis et il conquiert tous les jours beaucoup de gens à la gastronomie, justement par la parfaite sagesse de ses préceptes, par son bon sens si bien équilibré. Venu après Grimod de La Reynière, il a réuni en corps de doctrine les enseignements et les renseignements épars de celui-ci ; il les a fixés pour toujours. Il y a entre Grimod de La Reynière et Brillat-Savarin la différence qu’il y a entre un gros mangeur et un mangeur délicat. Grimod de La Reynière est un rabelaisien, un affamé perpétuel (avec bien des préférences cependant), un homme qui ne peut pas s’empêcher de jeter un regard attendri sur les ripailles des noces de Gamache. Son enthousiasme, qui ne connaît aucun frein, le pousse à s’écrier quelque part : « On mangerait son propre père à cette sauce ! » Et il l’eût fait comme il le disait. Brillat-Savarin s’arrête à